Les Faciles Suspensions

Présentation

Faciles suspensions est le résultat d’un travail d’assemblages de modules qui deviennent eux aussi modules. L’idée est prendre soin et prendre du temps à faire quelque chose qui n’a pas de sens sinon celui de passer le temps et prendre soin (idée de la broderie des femmes anciennes). Laisser venir à la surface les traces de souvenirs, ersatz de moments, éléments, objets épars de ma mémoire oubliée par l’automatisme du prélèvement.

Le rituel a une importance dans la fabrication. Collecte d’objets attirants mais simples (rubans cordes fils électroniques fleurs artificielles os coquilles …) et d’objets fabriqués en céramique qui sont assemblés de manière automatique. Les formes sont répétitives par moment.

Idée de la temporalité avec l’énumération et le décompte des objets assemblés et qui forment la totalité de la production finale. La production est suspendue (comme le temps ou une tapisserie) les instants numérotés pour ne pas être perdus.

Texte théorique sur les faciles suspensions

Ce travail est né d’une pratique mécanique de plusieurs années qui s’arrête le temps de cette présentation mais se continue dans l’avenir, prenant des formes multiples. Rien ne change vraiment, tout se transforme et gonfle.
Le travail se réduit au « faire passer le temps ». Comme une broderie sur laquelle rien n’est laissé au hasard dans le geste répétitif mais à partir de laquelle la pensée s’envole. Une pratique réduite à un geste vidé, comme le regard posé devant un feu de cheminée, un enfant qui joue, un paysage qui défile alors que le train avance.

Ici le chapelet d’objets assemblés s’organise à partir d’une combinatoire hasardeuse. Les collections s’amassent : objets durs, détails de structures ou objets proposant une limite : os, coquilles, graines, objets hétéroclites, glanés sur les parkings, les restes d’un repas, saisis au détour d’un espace contraint. Objets indifférents mais qui appellent et s’appellent. Puis s’ajoutent des objets fabriqués, généralement en faïence, résultats de tournage, de plaques modelées, d’agrégation de matière. S’ajoutent aussi des images, croquis, peintures extirpées d’anciennes séries oubliées. Non, rien ne se perd… Puis les objets s’assemblent grâce à des enfilement ou des nouages… Des objets comme des perles qui deviennent comme précieux par le jeu de la suspension. Légère rencontre, hasardeuse rencontre. Les yeux presque fermés.

Pourtant, le résultat n’a pas de valeur. L’objet est accroché au mur comme un vêtement le serait dans une cabine d’essayage. Laissé là. Comme superposé à d’autres. Enfoui. C’est le temps du nouage, le temps passé à accrocher la chose qui reste. Puis ça recommence : des objets encore, un fil qui rentre dans le chas de l’objet, le nouage, l’accrochage et ainsi de suite. C’est quand il n’y a plus de place sur la barre que la mécanique s’arrête, quand il fait nuit, quand la collection est vidée ou encore quand le nombre est atteint car chaque objet est compté. Le résultat est un amalgame où chaque pièce s’entremêle à la suivante, sans ordre. Ici les combinaisons sont suspendues sur le mur sans anticipation. Puisqu’il s’agit de remplir le mur des éléments. Comme s’ils séchaient. Pour ne pas les casser et laisser la gravitation opérer. Des objets au mur comme des peintures, des dessins, des collages. Sans ordre apparent, toutes les permutations sont possibles, les soustractions aussi. Tout en restant sur un nombre commun, un nombre premier, le motif comme objet tricoté se combine et s’additionne. Au choix, facilement.

Armande Gilly enseignante arts plastiques et théorie de l’art, Octobre 2022